Les cloches une
musique d'alpage

Merci Olivier … 20 Montées

Un cadeau qui sonne

La grande écurie de l'alpage du prè de Mollens à un air de salle des fêtes. Tout à l’heure, Arthur le berger du pré Anselme a fait vibrer le pâturage en sonnant le "Ranz des vaches" au cor des Alpes, l’assistance en a encore la chair de poule …

L’instant est grave … Lulu, président du syndicat d'alpage, remet à Olivier une clarine de bronze, gravé des mots : « Olivier Humbert … 20 ans d’alpage … Pré de Mollens »...

Les cloches à vache, la bande son des montagnes du Jura

Colliers en bois ou rimo

Depuis les premières domestications, l'homme a toujours posé des clochettes aux animaux en sa possession. Aux travers des âges, divers matériaux servirent à cet usage : bois, coque de fruit dur, métaux... à Hallstatt (Autriche) on a retrouvé des clochettes en fer, vieilles de 2500 ans. Au moyen-âge, la taille des sonnailles reste encore modeste, il faut attendre le XVIème siècle pour voir forger de plus grandes pièces. A cette époque, les artisans fabriquent la tôle en chauffant deux bouts de fer au charbon de bois, avant de former les toupins, à l'œil, par martèlement sur l'enclume. Dès les XVIIème et XVIIIème siècles, des sonnailles de tailles encore plus grandes, en tôle forgée (des toupins réalisés par assemblage de fer et de cuivre), sont montées au cou du bétail, à l'aide de colliers en bois renforcés de fers appelés "rimos". Le "rimo", souvent réalisé en bois de buis, richement décoré de gravures ou d'incrustations en métal, va peu à peu être remplacé par des courroies en cuir (à une ou deux boucles). Ces cuirs brodés "à la lanière", magnifiquement décorés, évoquaient des représentations symboliques, propres à chaque vallée.

Très vielle cloche En Suisse, ce n’est qu’au XVIIIème siècle, que sont apparues, pour le bétail et les chevaux, les premières cloches moulées en bronze. L'époque est très tardive, quand on pense qu'il y a déjà plusieurs siècles qu'on coule des cloches pour les églises et les maisons.
Ce sont les rétameurs Italiens itinérants du Piémont et de la vallée d'Aoste (Les magnins), qui coulent les premières clochettes pour le bétail. Ces saisonniers, avec leur production de cloches en bronze, parcourent durant toute la belle saison, l'ensemble de la Suisse Romande. C'est sur les marchés publics, qu'ils fondent le cuivre et l'étain, sur un feu au charbon de bois, à l'aide d'un soufflet manuel. Leurs moules sont en bois, dépourvue de toute fioritures. Plus tard, certain se sédentariseront et créeront des ateliers, qui perdureront sur deux ou trois générations voire plus.
Début du XIXème siècle (vers 1820), de grosses cloches à vache sont coulées par quelques fondeurs locaux Suisse. C'est à cette époque qu'elles vont acquérir leurs formes et les dimensions qu'on leur connaît encore aujourd'hui. La fabrication de cloches en bronze va peu à peu prendre le pas sur la fabrication des toupins forgés : phénomène de mode, nouveau son, meilleur durée dans le temps...

Il faudra attendre le début du XXème siècle pour voir le grand retour des toupins, grâce aux réalisations de Charles Bornet (son nom est devenu un nom commun pour des toupins) et Paul Morier (célèbre élève du premier).

Timbre - Fonderie Albertano Aux origines, les cloches en bronze, étaient très peu décorées. Les premières marques présentes furent l'année de création, puis plus tard, apparurent des ornements aux motifs religieux et le nom du fondeur. A leurs débuts, la marque du fondeur apparaissait sur la face interne de la cloche. Avec le temps, c'est la face externe, qui fût marquée des initiales de l'artisan. Depuis 1880, la règle veut, que tout fondeur impose son "timbre" sur chaque pièce de sa production.

Le timbre est la marque du fondeur apposé sur une cloche, il fait office de signature.
Par l'auteur

Toutes les clochettes se laissent ramener à deux types faciles à distinguer.
L’un reproduit, en petit, la forme des grandes cloches d'église, et donne un son clair.
L'autre varie de forme, généralement bombé au milieu, il produit un son sourd.

Cet ensemble de cloches et sonnailles, la batterie, comporte des cloches claires, mi- claires et basses et des toupins qui forment une harmonie propre à chaque troupeau. Comme un orchestre, le rythme est donné par les toupins et les sonnettes, la mélodie par les cloches. Ces cloches et sonnailles ensemble forment cette magnifique symphonie des alpages à laquelle personne ne reste indifférent.
Olivier Grandjean - organisateur de la Foire d’automne et Bourse aux sonnailles à Romainmôtier

Les sonnailles

Les sonnailles

Traditionnellement, leur fonction est le repérage sonore des animaux. Elles permettent de retrouver les bêtes égarées, perdues dans le brouillard. Aux dires des anciens, elles préservent le bétail des influences néfastes : de la morsure des vipères, de l'orage, des voleurs... C'est pourquoi beaucoup de cloches sont ornées de crucifix et de motifs religieux.

Elles sont forgées, fermées et rivetées, avant d’être brasées (au four à 1080 degrés) avec du cuivre ou au laiton en vase d’argile clos. S’ensuit le martelage pour leur donner leur sonorité, puis le polissage et le vernissage. Ce sont des cloches légères le plus souvent de forme ovale.
Les chèvres et les boucs, sont ensonnaillés avec des cloches ou clochettes en tôle formée.

Les clarines

Clarines

La clarine existait déjà à l'époque des Latins, On trouve plusieurs exemplaires de l'ancien tintinnabulum au musée pompéien de Naples

Plus lourdes (elles pèsent jusqu'à 6 kilos voir plus, certaines pesant entre 12 et 13 kilos), en bronze ou en laiton, les clarines sont des cloches de forme cylindrique en bronze moulé. Plus coûteuses et plus luxueuses, elles sont ornées de motifs (glands, feuilles, scènes alpestres, animaux sauvages ou domestiques, chalets, croix...).

Les grandes clarines, ou Les gros bourdons, servent d'objets de parade, lorsque le troupeau monte à l'alpage ou en redescend. C'est alors la "reine", la maîtresse-vache qui porte le plus gros bourdon. A l’alpage, ces cloches d’apparat, qui empêcheraient le bétail de brouter, sont remplacées par des sonneries de dimensions moyennes.

Les toupins

Toupins

Le toupin est exclusivement une appellation du bourdon dans les cantons de Vaud et Genève. Ce sont de grosses cloches au son grave, bombées en leur milieu, mais à ouverture étroite. Ils sont forgés en tôles d'acier découpées par demi-toupin et chauffées au feu. La mise en forme se fait à l’aide d’un moule, avant l’ajustage des pièces forgées. En fonction de l'épaisseur de la tôle d'acier employée, le son sera différent.

Une nouvelle histoire pour les cloches de vaches

Le massif jurassien reste le berceau de grande lignée de fondeurs de cloches. Certaines fonderies sont toujours en activité, et réalisent des modèles innovants : modélisation informatique, tirage de moule en impression 3D … Mais la fabrication actuelle des cloches, reste très largement inspirée de l'héritage transmis au cours de nombreuses décennies de savoir-faire.

Les cloches en passe de devenir un simple objet de tradition ?

Pour moitié, la production actuelle de cloches n’est plus destinée à l’usage agricole.
Il est de plus en plus courant de les offrir pour des événements importants (anniversaire, retraite…). Les sonnailles deviennent souvent des sonnettes de maison.

L’art campanaire se porte toujours bien, grâce aux collectionneurs. Qu’ils soient neufs, ou anciens, les toupins restent très recherchés. Le vol sur les alpages de cloches anciennes en est malheureusement la meilleure preuve.

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