Veaux, génisses
et vaches

Les bovins du pré de Mollens

L’alpage du pré de Mollens étant un lieu d’estive pour des bovins et tout particulièrement pour des génisses et des veaux, il est temps pour nous, de faire plus ample connaissance avec les pensionnaires de l'alpage.

Génisse croisée simentale

Derrière leurs longs cils, ces demoiselles démentent l’idée reçue qui leur attribue un regard terne et inexpressif, faisant d’elles des animaux sans personnalité. Nous sommes en présence d’animaux pouvant être espiègles, joueurs, craintifs ou rebelles. Leur principale caractéristique, sur le pâturage, est leur curiosité. Au moindre événement inhabituel, vous les voyez arriver en groupe. Il n’est pas rare, qu’un troupeau, intrigué par un paisible promeneur, encercle et mette en observation cette "chose" inhabituelle sur l’alpage. Pour les néophytes que nous sommes, cette situation est cause d’une grande appréhension. Mais si d’aventure cela devait vous arriver, pas de panique : aucune animosité chez nos curieuses, qui du reste s’égayeraient au moindre cri ou au premier geste brusque !

Veau élevé sous la mère

Tous les ans, Olivier s’attend à avoir au moins une fugueuse, une ingénue rebelle, qui trouvera l’alpage du voisin plus attrayant, et comprendra très vite, qu’une paire de corne, utilisée à bon escient, peut être très utile.
Explication de la manœuvre : s’approcher au plus près d’un barbelé, puis délicatement le lever avec une corne tout en roulant de la tête, pour bien crocheter ce dernier, et pour finir, tirer très fort pour qu’il casse. Voilà, la voie est libre, il ne reste plus qu’à appeler les copines.

Depuis peu, chaque saison Olivier reçoit en villégiature un petit nombre de broutards (4 à 5), accompagnés de leurs mères, les seules sur l’alpage à avoir le droit de porter le titre de "vaches". Les broutards sont des veaux nés entre janvier et avril, qui tètent encore leur mère et qui sont élevés par elles durant toute la saison d’estive (veau élevé sous la mère). Ils se nourrissent principalement du lait maternel, mais en grandissant, ils commenceront à brouter l’herbe du pré de Mollens.

Petit mémo concernant l’appellation des bovins

Les veaux

Veau élevé au lait entier

On distingue 2 types de veaux mâles ou femelles, âgés de moins de 8 mois.
Le veau élevé au lait entier : Il est retiré à sa mère dès la naissance et est nourri au lait de vache (autre que celui de sa mère).
Le veau élevé sous la mère : Il est laissé avec sa mère et se nourrit en la tétant.

Les très jeunes bovins

Animal mâle ou femelle âgé de 8 à 12 mois.

Les femelles

La génisse : Agée de plus de 12 mois, elle n’a pas encore vêlé (ne donne pas de lait).
La vache : Animal ayant déjà donné naissance à un ou plusieurs veaux (donne du lait).

Les mâles

Le jeune bovin : Animal âgé de 12 à 24 mois.
Le bœuf : Mâle adulte de plus de 12 mois qui a été castré.
Le taureau : Mâle adulte âgé de plus de 24 mois et non castré.

La domestication des premières vaches

Aurochs (Bos primigenius)

Les bovins (bostaurus) comme les zébus (bosindicus), sont issus de la capture et de la domestication de l’auroch, au Proche-Orient.
L'aurochs (Bos primigenius) serait apparu en Inde au Pléistocène inférieur, il y a environ deux millions d'années. Il aurait ensuite migré vers le Moyen-Orient et le reste de l'Asie, pour gagner l'Europe au Pléistocène moyen. Le dernier spécimen sauvage, se serait éteint en 1627 dans la forêt de Jacktorow en Pologne.

On s’accorde à dire que la motivation des premiers éleveurs ne résulte pas d’un besoin de nourriture, la chasse procurant suffisamment de viande et le nomadisme n’étant pas propice à la domestication. Pour certains, la naissance de l’élevage serait le résultat de la sédentarisation de l’homme au néolithique. D’autre prétendent que c’est l’apparition des premières croyances, qui aurait poussé l’homme à soumettre des animaux sauvages (l’homme étant lui-même sous la domination des Dieux).

Jusqu'à présent, on supposait qu'il y avait eu au moins trois foyers de domestication des bovins, en Afrique, en Inde et au Moyen-Orient. Mais, selon une étude récente (prélèvement de l'ADN sur des ossements exhumés de sites archéologiques), les bovins actuels seraient originaires d'un seul foyer de domestication en Mésopotamie, et seulement 80 aurochs seraient à l’origine de tous les bovins élevés à ce jour dans le monde.

Ce petit nombre de progéniteur des bovins est compatible avec la zone restreinte pour laquelle les archéologues ont des indices sur le début de leur domestication, il y a 10 500 ans. Cette zone très restreinte pourrait s’expliquer par le fait que l'élevage bovin, contrairement à l’élevage des chèvres, par exemple, aurait été très difficile pour des sociétés nomades, et que seules certaines communautés étaient sédentaires, à cette époque, au Proche-Orient.
Dr Jean-Denis Vigne, bio-archéologue au CNRS

L'expansion de la vache en Suisse

L'élevage pénètre en Suisse dans la seconde moitié du VIe millénaire avant J.-C., à la fois par le midi de la France, en remontant par la vallée du Rhône et par l'est.
Au début du Néolithique, les forêts qui couvrent le plateau Suisse et le Jura, offrent des conditions peu propices à l’élevage des bovins.
L’élevage des bovins Dès le IIIe millénaire avant J.-C, la proportion de plantes herbacées, synonyme de l’émergence de prairies (Études palynologiques), est en augmentation. Cette évolution s’amplifie à l'âge du Bronze (2000-800 av. J.-C.), l'augmentation des surfaces cultivées allant de pair avec l'essor démographique et le développement de l’élevage.
À l'époque romaine, le Plateau et le Jura, voient l’émergence de grands domaines se vouant à la céréaliculture, mais aussi à l'élevage bovin (le gros bétail devient une force de traction).
Après l'an mille, on assiste à un vaste mouvement de défrichements. Les rendements s'accroissent et la population augmente, à tel point qu'il faut étendre la céréaliculture aux dépens de l'élevage. Aux XIVe et XVe siècles, des conflits liés au droit d'usage des pâturages, témoignent d'une pénurie liée à l'accroissement du cheptel. L'essor de l'élevage entraîne une nouvelle organisation : les méthodes de cultures qui permettent de survivre à diverses altitudes font place à une économie intégrée avec champs et prairies à faucher, dans la vallée et alpages de montagne, pour l'estivage. Aux XIXe et XXe siècles, l'élevage bovin devient le principal secteur agricole de la Suisse.

En Suisse, le cheptel national se compose principalement de 4 races de vaches laitières :

  • La race Tachetée suisse;
  • La race Brune;
  • La Tachetée noire ou Holstein;
  • La race d’Hérens.

L’organisation sociale des bovins

Très jeune bovin

Olivier, en berger expérimenté, repère très vite les habitudes sociales de ses protégées. Les vaches et les génisses vivent en groupe, ce qui impose un comportement en relation avec ce mode de vie. Il en découle un besoin très fort de repères sociaux reposant sur un système de type matriarcal (les mâles adulte, n’étant que temporairement acceptés pendant la période de reproduction).

A l’alpage, les génisses, par leur nombre et leurs origines, ne forment pas un troupeau homogène, mais se divisent en plusieurs groupes. En effet, lorsque le nombre d’individus excède la trentaine, il se forme de petits ensembles par affinités. Ainsi, dès leur arrivée sur le pré de Mollens, leur premier réflexe sera de se réunir en fonction de leurs propriétaires, car les génisses vivant chez un même paysan, ont forcément déjà tissé des liens sociaux et il est rassurant pour elles de se regrouper en "famille".

Lorsque l'on place ensemble des génisses qui ne se connaissent pas, une hiérarchie s'installe très vite, en 45 minutes, 95% des relations hiérarchiques sont déterminées.
Par l'auteur

La hiérarchie s'établit le plus souvent sans heurt. Les vaches établissent entre elles des règles de vie leur permettant de résoudre, au moyen de signaux visuels et olfactifs, la plupart des situations de conflits. Ces relations de dominance-subordination déterminent dans le groupe une hiérarchie sociale stable.

L’organisation sociale des bovins

Le rang social est souvent physique (poids, taille), mais d'autres facteurs entrent en jeu : l’âge, l’état hormonal, la race (les races laitières sont souvent dominantes).
C’est une organisation pyramidale : Au sommet, les meneuses, animaux familiers avec l’homme et dotés d’un fort leadership sur le groupe et les dominantes, souvent de fort gabarit et très respectées par le troupeau. Au centre, les dominées, avec moins de personnalité, ce sont souvent des animaux plus peureux et plus timides. En fin de peloton les marginales, de caractère indépendant, elles ne suivent pas le reste du groupe. Dotées d’une forte personnalité, elles n’en font qu’à leur tête (même avec le berger)...

Durant la saison, ces groupes resteront plus ou moins stables, néanmoins certains pourront opérer des rapprochements voire fusionner ou se modifier par transfuges. Au sein même d’un groupe, Olivier notera très vite des affinités plus fortes entre tel et tel individu. Lorsqu’il devra, pour des soins, rentrer une bête à l’étable, Il y mettra aussi "les copines" de cette dernière. Sauf cas particulier, les génisses et les vaches ne supportent pas la séparation ni l’isolement.

Le déplacements d'une génisse
Les vaches ont leurs "copines" avec qui elles pratiquent le toilettage (léchage), le flairage, elles broutent et se promènent ensemble. Le léchage est une pratique hygiénique, mais également conviviale, comme l'épouillage chez les primates. Les vaches lèchent leurs congénères préférentiellement sur les parties du corps auxquelles la vache toilettée ne peut accéder elle-même, comme la tête et le cou.
Pierre Sigler, documentaliste spécialisé en éthologie

La connaissance de l’organisation sociale de son troupeau, sera pour Olivier d’une grande utilité lors des contrôles journaliers, chaque groupe ayant ses préférences pour se répartir sur les pâtures et les bois de l’alpage (le repos, la prise d'aliment, les déplacements ont toujours lieu en groupe). C’est aussi cette connaissance qui lui permettra, à la voix et par gestes ou actions très pondérés, d’être obéi par les meneuses ou les dominantes, pour déplacer, à lui seul, un groupe ou l’ensemble du troupeau.

Physiologie de la vache